Pour la petite histoire, j’ai découvert Clive Barker en piochant au hasard un livre à la médiathèque de Troyes. Il s’agissait d’Imajica, un bouquin flirtant avec l’onirisme et le fantastique.
À l’époque, je n’avais aucunement conscience de tenir entre mes mains les livres d’un des grands maîtres du genre horrifique. Ce n’est que bien des années plus tard que je découvrais Hellraiser, grâce à une vidéo YouTube d’Alt 236.
Et ça a été une claque !
C’était tout simplement l’oeuvre gore la plus intéressante qu’il m’avait été donné de voir. Le film, réalisé par Clive Barker lui-même, mettait en scène des créatures tirées de ses romans : les Cénobites.
Des monstres ressemblant à des prêtres noirs, aux vêtements de cuir, de chair, de métal et de sang dont la figure iconique, Pinhead, arborait une tête remplie de clous.
Contrairement à beaucoup de Slasher des années 80, Hellraiser ne se contentait pas de tuer. Il proposait un thème fort sur l’exploration des plaisirs et le sadomasochisme.
C’était une oeuvre complexe et originale qui me donnait très envie d’en découvrir les livres.
Comme je ne voulais pas risquer la comparaison avec le premier film, j’ai acheté une autre histoire sur les Cénobites : Les évangiles écarlates.
Lors de ma lecture, plusieurs techniques d’écriture m’ont sauté aux yeux. Je me suis dit « hé Martin ! Est-ce que ça serait pas super intéressant pour des romanciers tout ça ? ».
Les petits malins qui disent » non » je vous vois 😉
Sur ce, je ne vous fais pas plus attendre. Voici 5 astuces d’écriture tirées de l’univers Hellraiser.
Le mystère à la sauce Clive Barker
Parfois, le meilleur moyen de faire grandir un danger. C’est d’utiliser le mystère.
Avec cette technique d’écriture, on crée un suspens qui donne envie au lecteur de tourner les pages.
Ainsi, au début des Évangiles Écarlates, Clive Barker met en scène un groupe de magiciens pourchassé par le Cénobite Pinhead.
Plutôt que d’évoquer directement le démon, les sorciers vont utiliser le pronom personnel » il » sans expliquer au préalable qui est ce » il » au lecteur.
» – j’ai eu de la chance. Il a bien failli m’avoir, Joseph. (…)
– Il… Personne ne l’a arrêté ? «
Les Évangiles Écarlates, Clive Barker
Dans cet extrait, c’est l’utilisation du pronom » il » qui crée le mystère. En tant que lecteur, on se demande quelle est cette menace et quel est son but.
Ces questions nous incite à continuer la lecture. Nous tournons les pages en quête de savoir. Ce qui fait du mystère un outil narratif puissant.
Mais que se passe-t-il une fois qu’on met fin au mystère et qu’on révèle le danger ? C’est ce dont on va parler dans la 2e astuce d’écriture.
L’échelle du danger dans Hellraiser
Ils arrivent que des héros soient dans la merde. Un nouveau méchant rentre dans l’arène et il faut faire comprendre au lecteur que la menace est sérieuse.
Mais comment faire ?
Le truc, c’est d’établir une échelle de puissance cohérente.
Chaque personnage doit être rangé par rang de puissance. Vous devez savoir exactement qui est capable de battre qui.
Sinon, vous allez vous retrouver avec le syndrome Naruto.
Vous aurez des personnages annoncés comme supers forts qui seront de véritables paillassons. Le lecteur le remarquera et la crédibilité de votre récit en prendra un coup.
Une fois que vous avez votre échelle de puissance, il faut la communiquer au lecteur.
Pour ça, Cliver Barker utilise 2 techniques super efficaces :
- Montrer la terreur de gens puissants devant la menace
- Mettre en scène la défaite d’un personnage fort par la nouvelle menace
Dans le film Hellraiser le Pacte, le personnage de Franck est présenté comme un meurtrier sans coeur et sans peur. Sauf, que rapidement, nous nous apercevons que ce gaillard si dangereux tremble à l’idée de revoir les Cénobites.
C’est beaucoup plus efficace que d’écrire » Les Cénobites sont de puissantes créatures « . On ne se contente pas de le dire au lecteur, on lui montre.
Maintenant, qu’on a établi la force de la menace. Comment fait-on pour rendre celle-ci encore plus intéressante ?
Le climax local des Évangiles Écarlates
Pour la petite anecdote rigolote, climax signifie également » orgasme » en anglais.
En dramaturgie, ça n’a rien à voir, il s’agit de l’obstacle le plus difficile auquel sera confronté votre héros. Souvent, il en résultera un changement profond chez ce dernier.
Normalement, on retrouve le climax soit à la fin du 2e acte soit à la fin du 3e acte. Tout dépend de votre structure.
Mais on peut aussi trouver des climax locaux, qui seront le point culminant d’un chapitre.
Il s’agira alors d’obstacles moins importants qui donneront lieu à de plus petits changements chez le protagoniste. Mises bout à bout, ces petites transformations intérieures du héros lui permettront de réussir ou d’échouer sa quête à la fin de l’histoire.
Par exemple, dans Les Évangiles Écarlates de Clive Barker, il y a ce petit climax :
» – Il nous a dépouillés de tous nos habits de cérémonie, tous nos talismans, nos amulettes…
– Chut, dit soudain Ragowski. Écoutez.
Le silence s’installa parmi eux pendant un moment, puis une cloche funèbre sonna doucement dans le lointain.
– Oh mon Dieu, dit Lili. Cette cloche, c’est lui.
Le ressuscité éclata de rire.
– Il vous a trouvés. »
Dans cet extrait, l’écrivain utilise la structure suivante pour arriver au climax :
- Il commence par une situation normale (une discussion)
- Il perturbe cette situation ( » chut « , » Écoutez « )
- Il crée un suspens sur l’existence d’un danger ( » le silence s’installa parmi eux « )
- Il arrive au climax ( « c’est lui « , » il vous a trouvés « )
Ici, le climax est l’aboutissement du problème des personnages. Ils cherchaient à trouver une solution contre leur poursuivant mais ils ont été retrouvés.
Le résultat du climax est donc l’échec des personnages. Ces derniers subissent une transformation émotionnelle : le passage de l’espoir à la peur.
L’intérêt de cette technique d’écriture est double : faire avancer l’intrigue et créer des émotions chez le lecteur.
Ce procédé narratif peut se coupler avec la prochaine méthode que nous allons voir pour renforcer encore le ressenti.
L’urgence chez Clive Barker
Si vous avez déjà été en retard à un dîner de famille, je pense que vous saisissez tout le stress qu’engendre la technique d’écriture de l’urgence. Surtout quand les invités sont en train de se taper votre part de charlotte au chocolat 😉
L’urgence, c’est un truc à utiliser avec modération mais qui crée de la tension dans une histoire.
En gros, ça fonctionne comme ça :
- Une personne doit faire une chose
- avant telle date/telle heure
- sinon un truc négatif arrive
Et ça fait des chocapics !
Pour preuve, regardez cette scène des Évangiles Écarlates :
» – Notre visiteur ne va plus tarder, dit Ragowski. Elizabeth, chère amie ?
– Joseph ? Fit-elle, sans lever les yeux de son gribouillage frénétique.
– Libère-moi, s’il te plaît.
– Une minute. Laisse-moi finir.
– Relâche-moi bon sang ! Je ne tiens pas être là quand il viendra. je ne veux plus jamais revoir cet horrible visage !
– Patience, Joseph, dit Poltash. Nous ne faisons que suivre tes conseils.
– Qu’on me rende ma mort ! Je ne veux pas avoir à endurer ça encore une fois ! Personne ne devrait y être forcé !
La lumière qui brillait de plus en plus fort derrière le mur s’accompagnait à présent d’un crissement «
Dans cet extrait, Clive Barker crée l’urgence en utilisant la réaction des personnages et en s’appuyant sur le décor.
Les demandes de Ragoswki sont de plus en plus pressantes et le décor évolue de plus en plus vite créant cette impression de timing à ne pas dépasser.
La phrase » je ne veux pas avoir à endurer ça » suffit à faire comprendre les conséquences en cas de dépassement du compte à rebours.
La limite de temps génère un stress pour le lecteur. Elle fait craindre à ce dernier pour les personnages et donc renforce son immersion dans le livre.
Mais que se passe-t-il quand la limite de temps est terminée ? Est-ce que la sanction est immédiate ? Et bien pas forcément. L’auteur peut jouer sur un faux espoir.
Le faux espoir dans Hellraiser
Est-ce que vous regardez des films d’horreur ? Personnellement, je m’y suis remis récemment avec une certaine plateforme de screaming et j’ai remarqué un truc.
Les créateurs de ce genre d’histoire utilisent beaucoup l’espoir. Pourquoi ?
Tout simplement parce que ça permet d’alterner le récit entre passage négatif et positif.
Clive Barker ne fait pas exception.
Par exemple, dans le passage suivant, un cénobite tient à sa merci plusieurs magiciens. Tout semble perdu quand soudain un des sorciers, Poltash, fait une proposition au démon.
« – Puis-je dire quelque chose ? intervint Poltash.
– Tu peux essayer.
– Je… Je pourrais vous être très utile. Mon cercle d’influence s’étend jusqu’à Washington.
– Que m’offres-tu ?
Dans cet extrait, l’offre crée un espoir de survie pour les magiciens. Ça suspend le lecteur à la réponse du démon.
L’auteur sait d’emblée que le monstre n’est pas intéressé, qu’il tuera tout le monde.
Toutefois, ce faux espoir va venir créer une tension qui s’étalera sur plusieurs pages.
Clive Barker aurait pu ne pas écrire cette offre et mettre en scène directement le massacre. Ça aurait fonctionné mais l’émotion aurait été moins forte.
D’ailleurs, et si vous faisiez le test ? Écrivez une scène avec faux espoir et une autre sans le faux espoir. Laquelle préférez-vous ?
Dîtes-le moi dans les commentaires.
Quant à moi, je vous fais un grosse bise numérique (on peut encore se le permettre 😉 ) et je vous dis à bientôt.
Très bien vu, très bien présenté !
Merci Louisa 🙂
Ça fait plaisir 🙂
Bel article, précis et concis. J’aime bien.
Continuez !
Merci pour ce commentaire encourageant Oliver 🙂