Beaucoup d’écrivains se demandent comment augmenter la tension dramatique d’une histoire. On a tous vu un jour ce film où le héros est confronté à une situation impossible et… le méchant parle trop. Mais alors vraiment trop. Naturellement, il se fait tuer et nous nous disons blasé « wahou, je l’avais pas vu venir…. ».
Pour éviter ce syndrome, je vous livre dans cet article un outil puissant pour augmenter la tension dramatique de votre histoire : …la mort.
Alors, comment ça marche concrètement ? Dois-je faire pleuvoir une avalanche de cadavres pour que mon histoire soit bien ?
Que nenni les ami(e)s ! Sachez que la mort revêt bien des aspects. Laissez moi vous expliquer ça dans la suite de l’article.
Comment créer de la tension dramatique dans une histoire avec la menace de mort ?
Une histoire c’est comme une voiture : sans carburant elle ne peut avancer. L’essence d’une histoire c’est le conflit. La promesse d’un conflit génère une attente, ce qui crée de la tension dramatique.
Comment la mort peut-elle augmenter cette tension ?
Il faut savoir une chose: la mort est l’adversaire ultime. Elle est la plus grande peur de l’humanité depuis des temps immémoriaux. Avant même la mort, notre premier ennemi constitue la peur de la mort. Nous redoutons tellement cette rencontre avec la faucheuse que cela influence notre quotidien (nous regardons à droite et à gauche en traversant, nous évitons de sortir tard le soir dans de sombres ruelles, etc).
La promesse d’une mort possible nous fait repenser à deux fois à des actions que nous aurions souhaitées faire (sauter dans un torrent par exemple). Il en va de même pour les personnages d’une histoire. La promesse d’une mort possible influence leurs comportements.
Imaginez un instant que votre héros ait pour objectif de sauver une princesse. Si vous lui mettez comme obstacle des courses à faire pour sa mère, que risque-t-il à ne pas obéir? Une légère réprimande contre une épouse et un royaume ? Il n’hésitera pas un instant!
A l’inverse, si ne pas faire les courses de sa mère impliquait la mort de celle-ci parce qu’elle a besoin d’un médicament pour survivre, les enjeux ne sont plus les mêmes. Notre héros va être confronté à un dilemme : se cantonner à son train train quotidien pour sauver sa mère ou devenir un héros et changer drastiquement de vie.
Vous voyez dans ces exemples l’importance de la menace de mort. Elle place le héros face un choix irrémédiable. S’il échoue ou fait un mauvais choix : quelqu’un va mourir !
Ainsi, la menace qui pèse sur le héros est à son paroxysme. Elle le pousse à faire un choix avec de forts enjeux.
Parallèlement, cela conduit le lecteur à se demander ce qu’il ferait à la place du héros. C’est cette attente de la réponse du héros qui génère une forte tension dramatique.
La menace de mort permet de catalyser cette tension en plaçant les enjeux au plus haut niveau. Cela peut être une menace de mort physique (le personnage a été décapité) ou psychologique (le personnage est brisé).
Maintenant que vous avez saisi l’importance de la menace de mort, voyons comment passer de la simple menace au passage à l’acte.
Qui tuer dans son histoire pour augmenter la tension dramatique ?
D’infinies possibilités s’offrent à vous en fonction de l’histoire que vous voulez raconter. N’hésitez donc pas à expérimenter. Les procédés que je cite ici ne sont pas dogmatiques.
Tue du péons pour ton exposition !
Un procédé courant pour faciliter l’exposition des psychopathes et/ou des personnes fortes est de tuer des personnages insignifiants dès leur première apparition.
Par exemple, dans le manga Hunterxhunter, lors du premier examen des hunters, l’auteur nous introduit le personnage d’Hisoka qui massacre une garnison de participants. On comprend deux choses : qu’il est fort et que c’est un psychopathe.
Dans le manga Yuyu Hakusho, le personnage de Toguro nous est présenté d’une manière similaire. Il tue un énorme monstre et s’excuse.
Ainsi, pour une même exposition, la mort permet de révéler deux personnages très différents.
Un dérivé de ce procédé est le meurtre d’un ancien adversaire du héros (ou d’une personne réputée forte) par un nouvel antagoniste.
Par exemple, dans Dragonball super, dans l’arc du 2e tournoi, Jiren bat facilement Kale qui donnait du mal au héros. Il vainc ensuite Hit, de niveau à peu près égal à au héros, sans verser son sang. La menace est fixée : il est bien plus fort que le héros.
L’avantage de ces procédés est qu’ils permettent d’augmenter le niveau de menace qui pèse sur le héros. La tension dramatique monte avec le niveau de danger.
Si la mort peut servir d’exposition, elle peut être aussi un moteur de changement.
Le changement, c’est maintenant !
On a tous vu ce film où un môssieur grisonnant se sacrifie pour sauver la vie de son poulain. On connaît la chanson et pourtant…comme le goût d’une ex-petite amie il y a un petit goût de « reviens-y » qui nous titille les papilles. Vous l’aurez compris, on va parler ici du sacrifice du mentor !
Obi-Wan, Gandalf, Dumbledore, autant de mentors du héros qui meurent pour lui permettre d’embrasser sa destinée.
Le sacrifice du mentor est un procédé narratif qui marche bien car il signifie le passage de flambeau.
En effet, on peut voir le mentor comme un ancien héros qui transmettrait le rôle de héros à son apprenti. Ayant déjà accompli son parcours initiatique, il ne reste plus au mentor qu’à transmettre sa sagesse et à mourir.
Sa mort fait prendre conscience au héros que le temps du savoir théorique est fini et qu’il va devoir mettre en pratique ce qu’il a appris. Il va devoir se débrouiller par lui-même.
Généralement, cette prise de conscience s’accompagne soit de la fuite du héros (qui doit prendre du temps pour digérer tout ça), soit du combat avec l’antagoniste (pour acter la succession).
Par exemple, dans le Seigneur des anneaux, Gandalf se sacrifie dans la Moria pour permettre aux héros de fuir. Ces derniers prennent alors conscience qu’ils n’ont plus de chef, qu’ils doivent prendre leurs propres décisions. Ils sont obligés de mûrir ou… de mourir (rip Boromir).
Dans Star wars 1, la mort de Qi-Gon Jin permet à Obi-Wan de devenir maître jedi et lui donne la force nécessaire pour vaincre Darth Maul.
La mort du mentor intervient généralement aux trois quarts du récit, lors du 3e Acte.
Elle a un pendant, qui est la mort d’un allié. C’est un procédé narratif proche qui permet de traiter d’un thème autre que le passage de flambeau.
Par exemple: la rédemption. Dans le Seigneur des anneaux, Boromir se sacrifie pour sauver les hobbits de son erreur.
L’avantage de ces procédés est qu’ils permettent de justifier les changements internes nécessaires au héros pour accomplir sa quête.
Vous suivez toujours?
Alors pour finir, je vais vous révéler un secret pour éviter que votre tension dramatique retombe malgré tous vos efforts.
Tuer un être cher…
Cela m’a frappé en regardant la saison 4 de Peaky Blinders, pour maintenir le péril jusqu’au bout: il faut tuer un personnage important (autre que le mentor).
En effet, il est devenu tellement courant que le héros soit systématiquement mis en danger et qu’il s’en sorte miraculeusement, que les lecteurs ont fini par développer une résistance à ce schéma. Ils ne croient plus que le héros va mourir…il faut donc leur rappeler le pouvoir de la mort.
Par conséquent, la solution consiste à tuer un personnage important. Plus il est charismatique, plus fort sera l’impact.
Dans la série Trône de fer, les scénaristes tuent régulièrement des personnages principaux, c’est un parti pris drastique mais efficace.
Une autre solution moins drastique consiste à tuer un personnage important pour le héros mais pas forcément pour l’histoire.
Par exemple, dans le manga One piece, à Marineford, le frère d’un des personnages principaux meurt.
Bref, vous l’aurez compris, il faut parfois sacrifier un personnage important pour rappeler que la mort peut frapper à chaque instant. Votre lecteur va s’inquiéter et vous maintiendrez un haut niveau de tension.
Ainsi s’achève cette chronique sur la mort et la tension dramatique. Je vous invite à tester dans vos histoires les procédés étudiés dans cet article.
Si l’article vous a plu, n’hésitez pas à commenter, à en parler autour de vous et à le partager.
Vous pouvez aussi découvrir un autre de mes articles en cliquant ici.
Merci d’avoir pris le temps de lire cet article et à bientôt pour plus de narration !
Martin
Excellente analyse. Personnellement j’ai utilisé la mort pour secouer un personnage un peu indolent, pour le pousser à passer à l’action. Sa propre mort d’abord, inéluctable si elle n’agit pas. Puis celle d’un proche pour la pousser à se révolter.
A l’inverse, j’ai utilisé la menace de mort pour la calmer quand elle était trop excitée.
La mort peut donc être utilisée de multiples façons pour mettre du piment dans un récit.
Merci! En effet, la mort peut être utilisé de bien des façons 🙂
Excellent article !
Je suis en pleine écriture de mon premier roman qui est un premier tôme. Dans le deuxième, je compte bien faire appel à la grande faucheuse plus d’une fois pour ébranler mes perso et mes lecteurs par la même occasion. Je vais mettre ton article de côté pour le ressortir dans ces funestes moments.
Merci! J’espère que cet article t’aidera à ce moment là. Bon courage pour tes romans! 🙂
Article fort intéressant ! Merci Martin ! J’ai tendance à être trop gentille avec mes personnages, il va falloir que je progresse ^^
De rien Line ! C’est un plaisir si cet article t’as ouvert des perspectives 🙂
Génial article pour remettre l’assassinat de chouchous en perspective ! La mort peut aussi un rôle dans la perception d’un système de magie : l’acquisition d’une capacité surnaturelle par mutation (artificielle ou accidentelle) au cours de la vie d’un jeune héros ou héroïne est plus intéressante s’il ou elle frôle la mort dans d’atroces souffrances des suites de l’événement que de se faire bénir par un gentil grimoire (ou manger un cheveu de son mentor comme Izuku dans le manga My Hero Academia). Cela participe à la construction du perso, magie comprise, de ses éventuels descendants, et à la caractérisation d’une menace fondamentale : méchant/mentor cruel et atteint d’hyper-attachement, technologie toxique, pandémie de fin du monde… Dans un cadre expérimental, cet enjeu implique aussi un choix déchirant et/ou une contrainte exacerbée de la part d’un tiers. Il permet de nuancer fortement une utopie transhumaniste : par exemple, si un pouvoir de régénération rend l’humain quasi immortel (youpi !) sauf que sa création nécessite le sacrifice d’une grande partie de la future génération parfaite (genre de thème obsessionnel dans les histoires Marvel et compagnie).