Je ne sais pas vous mais quand j’étais au lycée je ne faisais pas du tout attention aux chapitres sur la comparaison. Ça me semblait inconcevable qu’un auteur puisse penser autant son texte. Autant vous dire que pour moi, les analyses de texte c’était du pipeau.
Ce qui est drôle, c’est qu’aujourd’hui j’en fais régulièrement pour améliorer mon écriture. C’est curieux de voir comme on évolue.
Un peu, comme au collège, où je me trouvais particulièrement élégant avec une tenue infâme.
Vous savez cette tenue qui vous fait bien rire quand vous revoyez vos anciennes photos 😉
Vous vous croyiez beau comme un dieu. Au mieux, vous ressembliez à une vieille côte de porc.
Et cette comparaison douteuse fait une transition parfaite pour le sujet d’aujourd’hui.
Dans cet article, je vais partir du basique sur la comparaison pour aller jusqu’aux techniques avancées et leurs utilisations dans les romans.
Pour que tout le monde parte sur le même pied d’égalité, je vous propose de commencer par délimiter la notion.
Définition
La comparaison fait partie de la famille des figures de style d’analogie. Elle consiste à faire un parallèle entre deux éléments d’une phrase.
Schématiquement, on va prendre une personne, un objet, une idée et on va le comparer à une autre personne, objet ou idée.
Par exemple :
Roger était beau comme un dieu.
Selon Jean Kokelberg, il existerait deux types de comparaison :
- les comparaisons courantes
- les comparaisons littéraires (autrement appelées » comparaisons figuratives » par Bernard Dupriez)
Par là, les deux auteurs distinguent les comparaisons purement utilitaires du type :
Émilie est plus grande que sa soeur.
Des analogies plus littéraires, ayant vocation à émouvoir, à ironiser ou à convaincre le lecteur :
Émilie éclipsait la beauté de sa soeur comme la lune éclipsait le soleil.
Du point de vue des romanciers, les deux types de comparaison sont utilisés. Avec une tendance pour les figures d’analogie figuratives.
Maintenant que nous avons vu les bases, je vous propose de découvrir la structure basique de la comparaison.
Structure de la comparaison
Dans cette partie, vous allez découvrir la structure des 3 mousquetaires 😉
La comparaison se compose :
- d’un comparé
- d’un comparant
- d’un mot de comparaison
Le comparé (aussi appelé » thème « ) constitue le mot ou groupe de mots objet de l’analogie. Par exemple :
La neige est blanche comme l’image de la pureté.
Ici, le thème est » la neige est blanche « . C’est ce qui est comparé.
À l’inverse, le comparant (ou » phore « ). C’est ce qui compare.
La neige est blanche comme l’image de la pureté.
Dans l’exemple, le phore constitue » l’image de la pureté « . Il compare la neige blanche (le comparé) à la pureté (le comparant).
Le mot de comparaison, c’est le mot de liaison entre le comparé et le comparant. Dans notre exemple, il s’agit de » comme « .
On l’appelle aussi le comparatif et il en existe une ribambelle que nous allons voir maintenant.
Liste des mots de comparaison
Ça va, vous suivez toujours ? 🙂
Ici, on souffle un peu, je vous dresse une liste de comparatifs dans laquelle vous pourrez piocher au besoin pour vos comparaisons.
On les appelle aussi les outils de comparaison, voici :
- comme
- plus que/moins que
- le plus /le moins
- de même que/aussi que
- pareil à/semblable à
- ressembler à/ on aurait dit/ c’était comme si
- etc.
Exemple :
Il planta ses dents dans un burger plus sec qu’une gorge d’alcoolique en sevrage.
Parfois, le comparatif s’exprime par un complément du nom.
- de/des/d’
Exemple :
L’écolier jeta sur lui le regard hanté d’un soldat qui revenait de la guerre.
Ici, » d’ » fait office de mot de comparaison, le comparé est » le regard hanté « , le comparant constitue » un soldat qui revenait de la guerre « .
Dans ce cas précis, on est pas loin de la métaphore. Ce qui peut s’avérer un peu piégeux. C’est pour ça qu’avant d’aborder les techniques avancées, je vous propose qu’on voit d’abord la distinction métaphore/comparaison.
Différence avec la métaphore
Cette partie sera la dernière sur les bases de la comparaison. Après celle-ci, nous rentrerons dans le vif du sujet et aborderons les techniques plus avancées.
L’intérêt étant d’acquérir des fondations solides pour ce qui va suivre.
Quand on parle de comparaison, il arrive parfois qu’il soit difficile de distinguer cette figure de style de la métaphore. Surtout quand le comparatif est complément du nom (si vous rappelez bien la partie d’avant 😉
En réalité, la différence est simple : une métaphore est une comparaison implicite. Il n’y a pas de mot de comparaison.
Exemple :
Cette prof était un dragon.
Dans une comparaison, on aurait écrit » cette prof avait un caractère de dragon » ou » cette prof avait un caractère aussi hargneux qu’un dragon « .
Notez aussi que le comparé devient souvent le comparant. On écrit directement » est un dragon » et pas » caractère (comparé) de (comparatifs) dragon (comparant) « .
Voilà, on en a fini avec les bases de la comparaison.
Maintenant, je vous préviens, VOUS ALLEZ ADORER !
Je vais vous expliquer plein de techniques pour créer des comparaisons originales :
- Comme les différents types d’ancrage
- La comparaison fourchette
- etc.
Et on finira dans l’avant dernière partie sur les techniques de comparaison dans les romans. Parce qu’on est dans un blog sur la narration. Que diantre !
Accrochez vos ceintures, c’est parti !
Les différents types d’analogie
Félicitation, vous venez de gagner un niveau de style !
Vous débloquez une nouvelle compétence : technique de comparaison niveau 2.
Grâce à elle, vous pouvez découvrir les différentes variation des comparaisons.
En voici 11, inspiré de la liste de Jean Kokelberg, qui vous donneront un panorama de ce que l’on peut trouver dans les textes littéraires :
Comparer une chose à une autre chose :
La tasse ressemblait à une vieille chaussette sale.
Comparer une chose à un humain :
Un mixeur aussi bruyant qu’une horde de marmots.
Comparer un humain à un autre humain :
Et Roger se tut comme un pape découvrant la chapelle Sixtine.
Comparer un humain à un animal :
Il se battait comme une chèvre.
Comparer un humain à un végétal
Christian rayonnait comme une rose : avec ses beautés et ses épines.
Comparer un humain à une chose
Il ressemblait à un vieux sachet de thé détrempé.
Comparer un élément humain à une chose
Ses doigts durs comme la pierre.
Comparer un élément humain à un végétal
Elle possédait un torse solide comme un chêne.
Comparer un élément humain à un animal
Le général porta sur ses troupes des yeux de vautour.
Comparer une chose abstraite à une chose concrète
Sa pensée avait la froideur d’un livre comptable.
Comparer une chose concrète à une chose abstraite
La grotte était sombre comme une peur immémoriale.
Voilà, ça fait déjà pas mal. Vous pouvez tout à fait mixer les catégories entre elles, la liste n’est pas limitative. Soyez créatif !
Maintenant qu’on a vu la variété des formes que peuvent prendre les comparaisons, je vous propose d’aborder les structures avancées de la figure de style.
Les structures avancées de la comparaison
On a vu dans une partie précédente que la structure de base de la comparaison était : COMPARÉ + COMPARATIF + COMPARANT.
Pourtant, dans cette agencement, il existe une variété de composition. La plus simple constitue : ADJECTIF + MOT DE COMPARAISON + COMPARANT.
Par exemple :
Il était beau comme un coeur.
C’est bien, c’est efficace. Probablement, l’une des formes les plus utilisées de la figure d’analogie. C’est en quelques sortes la Converse de la comparaison 😉
Si vous souhaitez vous distinguer, je vous propose trois ancrages moins courants.
L’un d’entre eux, constitue : NOM + MOT DE COMPARAISON + COMPARANT.
Par exemple :
Elle avait des yeux comme des limaces.
Un autre agencement serait : COMPARÉ + MOT DE COMPARAISON + PROPOSITION.
En général, ça donne des choses assez littéraires et plutôt poétiques. Voyez plutôt :
Il se jeta à corps perdu dans le bonheur comme un bateau qui trouverait la terre après avoir longtemps navigué.
Enfin, voilà une structure plutôt tournée vers l’action du fait de l’utilisation du verbe (mais pas forcément) : VERBE + COMPARATIF + COMPARANT
Il pédalait comme un facteur qui aurait un chien aux fesses.
Voilà, maintenant, vous avez trois structures possibles en plus de l’ancrage basique. Mais dîtes-vous bien que tout est possible.
Testez un comparant au conditionnel, à l’infinitif, et pourquoi pas un complément de lieu pour le comparé ? Amusez-vous !
Les possibilités ne dépendent que de votre imagination. Vous pouvez mixer des figures de style avec la comparaison, mixer des comparaisons entre elles etc.
C’est ce que je vous propose de voir dans la partie suivante.
Combo
Les amateurs de Tekken 3 le savent, il y a des instants magiques dans les combo. Comme par exemple, la prise de catch infinie de King ou les disparitions coup de pieds de Yoshimitsu 😉
Et bien c’est pareil pour l’écriture. Un beau matin, vous relirez vos comparaisons et vous vous direz j’ai écrit ça moi ? La classe à Dallas.
Pour vous aider dans ce processus, je vous propose 4 combinaisons avec la figure de style.
Comparaison + apposition
Par exemple :
Comme un homme, attaquons l’exercice pour défaire les Huns.
Bravo, si vous avez trouvé la référence vous écoutez beaucoup trop de chansons Disney 😉
Dans cet exemple, l’apposition consiste à extraire » comme un homme » du reste de la phrase et à le placer devant avec une virgule.
Normalement, sans l’apposition, le sens de l’analogie aurait été » attaquons l’exercice pour défaire les Huns comme un homme « .
Ce type de combinaison est intéressante pour varier le début de ses phrases, gagner en fluidité, et mettre en relief les mots apposés.
Comparaison + comparaison
Ça fait un peu penser au titre du film Menteur, menteur vous ne trouvez pas ? 🙂
Il s’agit tout simplement d’enchaîner les comparaisons.
Par exemple :
Il s’approcha de sa proie comme un chien qui jouerait les désintéressés, un peu comme si le hasard l’avait poussé sur le chemin, telle une touffe de poil déposée par le vent.
Superlatif + Superlatif (ou comparaison fourchette selon l’expression de Jean Kokelberg)
Par exemple :
Un arbre plus épais qu’un char d’assaut mais moins solide qu’une feuille de papier.
Comparaison + antiphrase
Dans ce cas, le but recherché est l’ironie. La comparaison signifie l’inverse de ce qu’elle semble dire.
Tout le challenge consistera pour vous à faire comprendre au lecteur le réel message. Par le biais de la narration par exemple.
La marâtre regarda sa belle fille, engoncée dans les habits trop courts qu’elle lui avait achetés.
-Cette robe te va comme un gant ma chérie !
Ce qui m’amène à un point important, les comparaisons auront plus d’impact si elles accompagnent l’histoire de votre roman.
Les techniques de comparaisons dans les romans
Jusqu’à maintenant, je vous ai parlé de choses très techniques sans vraiment aborder l’utilisation de la comparaison dans la narration.
Pourtant, c’est quelque chose de CAPITAL !
Dans un roman, la comparaison sert principalement pour quatre choses :
Définir une atmosphère :
La lune planait au-dessus de Dros Delnoch telle la lame d’une faux.
La légende de Marche-mort, David Gemmell
Dans cette citation, l’ambiance est posée : il va y avoir des morts. On s’attend à quelque chose de sombre, d’épique. Imaginez si David Gemmell avait écrit :
La lune planait au-dessus de Dros Delnoch tel le regret sur un nostalgique.
Ici, on s’attendrait plutôt à une scène mélancolique, voire à un personnage qui nous raconterait son passé. L’atmosphère serait complètement changée. Tout ça grâce à la comparaison.
Caractériser un personnage
Du haut de son pallier, sa silhouette nous toisait tel un vautour.
Dans cet exemple, l’utilisation de la comparaison » tel un vautour » laisse entendre que la silhouette est une personne à la curiosité malsaine. On s’attend presque à quelqu’un aux aguets, prêt à dénoncer.
Si j’avais écrit :
Du haut de son pallier, sa silhouette nous toisait telle une lionne devant sa progéniture.
La caractérisation aurait changé, la silhouette serait devenue une figure protectrice, éventuellement un peu étouffante.
Aider le lecteur à comprendre une information
Le SHMURTUSS était un animal à poil long, touchant presque terre, aux cornes recourbées comme des cimeterres, un peu comme si on avait croisé un yak avec un balai en paille.
Ici, les descriptions multiples servent à aider le lecteur à comprendre ce qu’est un SHMURTUS (ne cherchez pas sur google, j’ai tapé au hasard sur le clavier 😉 )
L’humour/l’ironie
-Dans le fond, pour vous, Albert c’était un cave comme les autres.
-Oh il était gentil.
-Oui mais un cave quand même.
Le Pacha, Georges Lautner, dialogue de Michel Audiard
De par son caractère évocateur, la comparaison est parfaite pour faire rire ou surprendre le lecteur d’un bon mot.
D’ailleurs, je ne résiste pas à l’occasion de vous faire découvrir la bande-annonce du film d’où est issue la citation. Ça envoie de belles punchlines 😉
Exercice
Voilà, au début de cet article, certains d’entre vous n’étaient pas forcément familiers avec les comparaisons. Au cours de ce cours, vous avez pu vous familiariser avec les différentes techniques de construction de l’analogie.
Pour finir, je vous invite vraiment à passer à l’action et à tester ces différentes structures dans un petit exercice.
- Choisissez une structure dans la liste que je vous ai donnée.
- Pensez à une scène courte ou une description de quelques paragraphes ( quelqu’un regarde une procession, entre dans un nouveau lieu, rencontre un nouveau personnage, etc.).
- Utilisez la structure de comparaison pour développer en rapport avec votre scène : une atmosphère, caractériser un personnage, aider le lecteur à comprendre quelque chose ou faire de l’humour.
En pratiquant régulièrement et en jouant de temps en temps avec les structures de cette figure de style, vous devriez vous améliorer.
Imaginez demain quand vos lecteurs liront vos flambantes comparaisons et qu’ils viendront vous voir en message privé en citant vos traits d’esprit 😉
Voilà cet article est désormais terminé. Je vous dis à bientôt et si vous avez encore envie d’améliorer votre style, j’ai écrit un article sur les figures de styles de répétition.
À bientôt !
Martin
ps : si l’article vous a plu, un petit partage en cliquant sur les boutons ci-dessous m’aide grandement. C’est gratuit et ça fait plaisir 🙂
image de couverture : Photo by Aron Visuals on Unsplash
Tu attends quelque chose comme : « Ses caresses étaient aussi douces que la flamme d’un chalumeau à acétylène. » ?
Tout à fait. Une belle comparaison pleine d’ironie. Bravo 🙂
Le recours à des analogies permettent de clarifié un énoncé complexe et de le rendre davantage intelligible, ainsi ce recours reflète une volonté pédagogique.
Exemple : Supposons qu’un professeur de biologie souhaite illustrer la structure d’un spermatozoide à ses élèves par le biais d’une analogie fondé sur l’apparence, il serai susceptible de procéder ainsi : « Un spermatozoide est comparable à une cerise qui contient une queue et un noyau qui est destiné à fusionner avec une gamète femelle ».
Merci pour le travail que vous fournissez, j’en suis particulièrement reconnaissant.
Je vous en prie Mostafa. En effet, l’analogie peut aussi avoir un but pédagogique. C’est utile pour des articles, des cours, ou éventuellement mettre en scène une relation élève/mentor.
Superbe blog, qui transpire la passion à l’état pur…
Merci 🙂