Pour décrire les émotions, on croit souvent qu’il faut être un observateur né, rencontrer plein de gens, écumer les villes pour saisir l’esprit du siècle.
Le problème de cette technique, c’est qu’elle demande d’être sociable et dépend énormément de la qualité de vos expériences de vie.
Bref, cela peut vite devenir une galère….surtout si vos histoires sont peuplées de nombreux personnages et que ces personnages vivent dans une époque depuis longtemps révolue (bonjour Jacouille la fripouille).
La question qu’on se pose alors est la suivante: existe-t-il un moyen rapide et efficace de décrire les émotions des personnages autre que l’observation?
Après de multiples recherches, j’ai eu une révélation.
Et si pour bien décrire les émotions, il suffisait simplement d’enquêter sur les émotions?
Fort de cette intuition, je me suis renseigné sur les mécanismes des émotions, sur la façon de les traduire physiquement. C’est ainsi que j’ai découvert les micro-expressions.
En apprenant quelques trucs simples sur celles-ci, il devient facile d’exprimer subtilement des émotions dans un roman. C’est que je vous propose de découvrir aujourd’hui.
C’est quoi une micro-expression?
Les micro-expressions constituent des manifestations physiques du ressenti d’une personne. Elles sont en générales fugitives et trahissent le véritable état d’esprit d’un interlocuteur.
Par exemple, si un personnage plisse les yeux et fronce les sourcils, cela traduira probablement la colère.
Ce qui est intéressant pour nous, les scribouillards, c’est qu’elles permettent:
- d’exprimer un contraste entre ce que pense vraiment le personnage (le non-dit) et son discours
- d’être un peu plus subtil dans la descriptions des émotions (vous savez le fameux « Machine était en colère. »)
- de créer une ambiguïté sur l’interprétation des émotions (si TrucBidule se pince les lèvres: est-ce qu’il le fait parce qu’il est à deux doigts de révéler un secret, qu’il a mal, qu’il a envie de sexe ou simplement parce qu’il a un bronze qui toque à la porte arrière?)
Bref, cela va conduire votre lecteur à se poser des questions et à vous faire décrocher la timbale!
Pourquoi?
Parce qu’un lecteur qui s’interroge va s’accrocher à votre livre comme un Iphone sur un chargeur!
Une autre chose à savoir: les micro-expressions sont très difficiles à masquer…même si cela reste possible avec de l’entraînement ou avec des produits paralysant les muscles faciaux (botox, etc).
Je vous dis ça au cas où vous aimez les intrigants, ça peut servir 😉
On peut vraiment décrire les émotions avec ça?
Si l’on en croit la théorie de Paul Ekman, les micro-expressions seraient communes à tous. Ce sont des indices physiques universels d’un état émotionnel.
Dès lors, en incluant ces signes physiques dans nos récits, il devient possible de mieux décrire les émotions. D’autant que comme vous allez le voir, ces signes sont reconnaissables plutôt facilement par le lecteur.
Selon Ekman, il existe 6 émotions de base (according to wikipedia):
- la tristesse
- la joie
- la colère
- la peur
- le dégoût
- la surprise
A ces 6 émotions de base, s’ajouteraient 10 émotions secondaires que l’on abordera pas sous peine d’avoir un article interminable.
Pour l’heure, je vous propose de découvrir dans la prochaine partie les différents signes physiques des émotions.
Spoiler: ça risque d’améliorer votre façon de décrire les émotions 😉
La liste des micro-expressions
Pour cette partie, je m’appuie sur les informations de ce site de mentalisme. J’ai trouvé leur article plutôt intéressant et petit bonus, il y avait même des images avec les différentes émotions.
A noter que chez eux, ils comptent une 7e émotion de base: le mépris. Je l’ai donc inclus dans ma liste pour décrire les émotions.
La joie
Cette émotion se caractérise par le sourire, les joues qui remontent et des rides autour des yeux.
Le truc cool, c’est qu’on peut reconnaître le faux sourire! La plupart des gens ne pensent pas à légèrement plisser les yeux au moment de sourire.
Cela peut être intéressant si vous voulez éviter d’écrire l’indémodable « sourire crispé ».
La tristesse
Que serait un écrivain s’il ne pouvait exprimer la tristesse de ses personnages?
Voilà, les signes physiques pour la dépeindre:
- les commissures de lèvres et les paupières supérieures tombent
- le regard se perd dans le vide
- le sourcil inférieur remonte.
Personnellement, j’emploierais seulement le regard dans le vide et les lèvres/paupières tombantes. Le sourcil qui remonte étant trop associé à l’étonnement dans la littérature.
La colère
Un classique pour décrire les émotions!
La colère se distingue par
- ses lèvres pincées
- les sourcils froncés (avec une p’tite ride au milieu m’sieur dame)
- les narines dilatées.
La peur
Bon là, j’avoue je suis en roue libre. Je trouvais la micro-expression de la peur un poil trop compliquée à décrire. Donc je préfère vous donner une liste de signes qui indique qu’un personnage fait dans son froc.
Ce qui m’amène à préciser une chose importante. Pas besoin dans vos descriptions des émotions de faire une encyclopédie exacte. Votre lecteur a juste besoin que cela semble réel. Privilégiez toujours la compréhension et le confort de lecture sur la véracité de l’information (en fiction du moins).
Bref, tout ça pour dire que pour moi la peur, c’est:
- les yeux qui s’écarquillent
- les mains moites, la sueur qui commence à perler un peu partout
- une monstrueuse envie de pisser
- des difficultés à regarder quelqu’un dans les yeux
- le visage qui pâlit
- les membres qui se tétanisent
- des tremblements
- la voix chevrotante
Le dégoût
Pour cette expression, les micro-expressions fonctionnent à merveille.
Plus besoin de penser au vieux slip sale de votre ex pour vous évoquer le dégoût. Voici, les signes physiques d’une peau de renard imminente:
- la lèvre supérieure relevée
- le nez plissé
- les sourcils froncés
- le menton qui se plisse
En gros, transformez votre personnage en Sharpei et vous l’avez!
La surprise
Alors là, ça va être utile!
Parce qu’honnêtement, on a tous voulu écrire cette scène où Dark Vador annonce à Luc qu’il a mis un coup de sabre laser à maman…
Voici donc la liste des micro-expressions de la surprise:
- les sourcils qui remontent
- les yeux écarquillés (très chouette pour créer une ambiguïté avec la peur)
- la bouche entrouverte prête à accueillir les mouches ou autre chose 😉
- à noter que si la surprise dure plus d’une seconde chez une personne, elle est probablement feinte
Avec cette liste, on a presque vu toutes les micro-expressions pour décrire les émotions de base. Il ne nous reste plus que le mépris.
Le mépris
Dernières micro-expressions dans notre quête pour mieux décrire les émotions. Après ça, vous devriez être capable de mieux exprimer les sentiments de vos personnages. Voici le mépris:
- la lèvre remonte vers le haut sur un seul côté. En littérature, on traduira ça plutôt par avoir « la lèvre pincée » qui est plus évocatrice pour le lecteur et qui crée une petite ambiguïté avec le dégoût.
- le menton remonte et la tête penche légèrement en arrière. Là encore, on ne gardera probablement que la tête qui se penche en arrière, avec probablement les mains qui se masquent le visage ou se passent dans les cheveux. Voir carrément, les yeux qui se lèvent au ciel et la tête qui se secoue pour faire « non ».
Cet article est maintenant terminé. Je vous invite à mettre dans les commentaires les signes physiques qui correspondent pour vous à tels émotions, ça pourrait faire une chouette base d’inspiration pour l’écriture.
Pour ceux qui veulent continuer d’explorer le thème de la description, j’ai écrit un autre article sur le sujet.
Sur ce, je vous souhaite bonne journée et à bientôt!
Image mise en avant: Photo de Bernard Hermant sur Unsplash
Bonjour, il y a une très petite erreur: avec le mépris, ça fait 7 émotions, et non 6…
Bonne journée !
Merci beaucoup Antonio. Visiblement, je suis allé quand même faire un tour du côté des émotions secondaires. Je fais une modif dans l’article de ce pas.
Erratum: je n’avais plu l’article en tête, méa culpa. Pas besoin de faire de modification finalement, j’expliquais déjà pourquoi j’ai rajouté le mépris dans la liste de Paul Ekman dans le paragraphe juste après le titre « la liste des micro-expressions ». Bonne journée!
ps: merci pour ta vigilance, ça m’a permis de modifier une petite coquille 😉
merci, très utile !
Je t’en prie 🙂
Bonjour, votre article m’a bien aidé mais quelque chose me chiffone…si c’est un pdv internet, peut-on quand même jouer avec les micro-expressions ? Je veux dire par là se sera utile ? Par exemple pour voir comment il interagit avec les autres et ce que qu’il pense vraiment
Bonjour Emilie, content que l’article vous aie plu ? Qu’entendez-vous par pvd ? De manière générale, dans l’écriture, il faut toujours se poser la question quand on utilise un procédé :
-est-ce que ça apporte quelque chose à mon histoire ?
-est-ce que ça aide le lecteur dans la lecture de la scène ?
Si oui, on peut utiliser le procédé (en l’espèce les micro-expressions), si non il faut chercher ce qui fonctionne mieux 🙂